Yellowstone, 1872 : un parc sans Indiens

Publié le 23 novembre 2025 à 17:11

PHOTO de :  Lionel MONTICO

 

Information:

 

 - 2026 : Voyage au parc national de YELLOWSTONE.

 

Je suis très impatient à l’idée de mon futur voyage au début de l'Automne prochain du : 21 Septembre au 01 Octobre 2026 , axé sur la photographie et la randonnée. Dans quelques mois, je vais plonger dans cet environnement naturel incroyable et capturer ses merveilles à travers mon objectif.

Dès mon arrivée, je commencerai par explorer les sentiers de randonnée qui serpentent à travers les paysages variés du parc. Je prévois de me lever tôt pour profiter des premières lueurs du jour, lorsque la lumière est parfaite pour la photographie. Les montagnes majestueuses et les vastes prairies seront un cadre idéal pour des clichés mémorables.

Je vais également me concentrer sur la faune du parc. J’ai hâte de photographier les bisons paissant paisiblement, les élans se déplaçant avec grâce, et peut-être même apercevoir un ours au loin, une meute de loups gris. Mon objectif est de capturer des moments authentiques de la vie sauvage tout en respectant leur habitat.

En plus des animaux, je suis enthousiaste à l’idée de photographier les paysages géothermiques, comme les sources chaudes et les geysers. Les couleurs vives et les formations étranges créées par la chaleur de la terre offrent d’innombrables opportunités pour des photos artistiques.

Durant les randonnées, je prévois de prendre le temps de m’arrêter et d’apprécier la beauté qui m’entoure. Que ce soit un lac scintillant, une cascade majestueuse ou un panorama à couper le souffle, chaque arrêt sera une occasion de capturer la magie de Yellowstone.

Ce voyage sera non seulement une aventure en pleine nature, mais aussi un moyen d’améliorer mes compétences en photographie. Je suis sûr que ces souvenirs resteront gravés dans ma mémoire, et j’ai hâte de partager mes photos avec mes proches. Yellowstone, prépare-toi, car je viens pour découvrir et immortaliser ta beauté !

 - Un peu d'histoire sur la création de ce parc.

 - 1872 : Ouverture du premier parc naturel au monde, le parc national de Yellowstone,

dans les États actuels du Montana et du Wyoming.

Lorsque le Congrès américain crée en 1872 le parc de Yellowstone, consacrant 800 000 hectares à la protection des geysers, de la faune et de la flore, l'enthousiasme est à son comble, sans égard pour les communautés amérindiennes, spoliées au nom d'un idéal environnemental.

En se réveillant le 24 août 1877, Frank Carpenter, l'un des premiers touristes à visiter le parc national de Yellowstone, eut une vision inattendue : cinq Amérindiens armés chevauchant vers son campement, dans le bassin de geysers sud. Au cours des deux semaines précédentes, Carpenter, avec quelques parents et amis, avait fait le tour de Yellowstone, parc naturel créé par le gouvernement américain tout juste cinq ans auparavant. Ils rencontrèrent peu d'autres visiteurs.

Majestueusement perché sur un haut plateau des Rocheuses, ce parc comptait des milliers de curiosités géothermiques - geysers, sources chaudes, mares de boue, fumerolles - témoignant de la singularité naturelle du parc, situé sur une couche plus mince de la croûte terrestre. Carpenter et ses compagnons, écotouristes avant la lettre, furent enchantés par ces paysages extraordinaires qui avaient déjà valu au parc son surnom de Wonderland, « pays des merveilles », inspiré du roman contemporain de Lewis Carroll Alice au Pays des Merveilles.

Menés par un homme nommé Loup Jaune, les Amérindiens demandèrent de la nourriture et des munitions et, après avoir d'abord prétendu être des Shoshones, admirent qu'ils faisaient partie de la bande de Nez-Percés de Chef Joseph. Révélation fracassante puisque, les deux côtés le savaient, les Nez-Percés luttaient alors pour échapper à l'armée américaine, les membres de la tribu cherchant à passer entre les mailles du filet brutalement lancé par les autorités américaines pour les confiner de force dans des réserves. Inquiets, Carpenter et son groupe tentèrent de lever le camp, mais furent capturés par les Nez-Percés, qui craignaient que les visiteurs ne révèlent leur position à l'armée, empêchant ainsi la fuite de la tribu vers le Canada. Les jours suivants, Carpenter, ses soeurs et ses amis furent contraints de suivre quelque 800 Amérindiens vers l'est dans leur traversée du parc.

Cette rencontre entre touristes et Amérindiens n'était pas exactement le genre d'interactions qu'imaginaient les membres du Congrès en créant le parc national de Yellowstone en 1872. Leur décision de transformer cette zone à la jonction du Wyoming, du Montana et de l'Idaho, en « parc public ou aire de détente destinée au plaisir et bénéfice du peuple » visait d'abord à préserver les caractéristiques géothermiques extraordinaires de la région, pour en faire à la fois un laboratoire pour les naturalistes toujours plus nombreux dans le pays et un emblème fédérateur pour une nation qui sortait à peine d'une sanglante guerre.

Les ouvrages grand public sur les parcs nationaux américains évoquent peu d'événements semblables à la rencontre de 1877 entre Carpenter et les Nez-Percés. En 1983, l'écrivain Wallace Stegner eut ces mots devenus célèbres : « Les parcs nationaux sont la meilleure idée que nous ayons jamais eue. Absolument américains, absolument démocratiques, ils reflètent ce que nous avons de meilleur et non de pire. » Cette vision des parcs nationaux comme expression la plus aboutie de l'idéal américain connut un regain de vigueur en 2009, lorsque Ken Burns, documentariste renommé, sous-titra sa série télévisée à succès : « Les parcs nationaux : la meilleure idée de l'Amérique » (The National Parks: America's Best Idea, non traduite en français).

La glorification des parcs par Stegner et Burns reposait sur la conviction qu'ils constituaient des sanctuaires de la wilderness, de la « vie sauvage », de la nature intacte, inhabitée. Ce qui occultait les millénaires d'occupation de ces mêmes terres par les Amérindiens. La relecture d'un lieu comme Yellowstone révèle que ces parcs étaient des espaces non pas sans peuple, mais dépeuplés. C'est seulement après l'obligation faite par le gouvernement fédéral aux populations indigènes d'abandonner leurs terres que les parcs furent investis d'un imaginaire touristique de « pays des merveilles » où l'homme n'aurait jamais vécu et regorgeant de curiosités naturelles.

Cette histoire de la dépossession des indigènes se retrouve dans presque tous les parcs des États-Unis : Yosemite, Grand Canyon, Glacier. Mais récrire l'histoire de Yellowstone, le premier parc naturel des États-Unis - et du monde -, a une valeur particulière, car il a été considéré par de nombreux conservateurs comme un modèle à imiter universellement. Pourtant, l'exportation de l'idéal de Yellowstone - que la géographe Susanna B. Hecht et le journaliste Alexander Cockburn avaient baptisé « Éden sous cloche »1 - a soulevé, comme l'a montré l'historien Guillaume Blanc, une résistance obstinée des populations rurales en lisière des parcs, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, et ailleurs2.

En 1872, lorsque le Congrès décida de créer Yellowstone, on connaissait si peu la géographie locale que les législateurs, soucieux de ne laisser hors du parc aucune des « plus magnifiques merveilles de la Nature que le monde possède », lui donnèrent de très larges frontières. Cette imprécision eut pour heureux résultat d'englober les forêts où plusieurs fleuves majeurs de l'Ouest prenaient leur source mais aussi les pâtures de nombreux troupeaux d'élans, de cerfs et de mouflons, ainsi que l'une des dernières populations de bisons nord-américaines.

- Nationaliser la terre

Malgré ces débuts confus, ce parc marqua un tournant décisif dans les politiques fédérales concernant la terre. Puisant dans l'idéal antique du paysan-citoyen, les programmes fédéraux avaient jusque-là favorisé le morcellement du domaine public en lots privés. La création d'un parc de 800 000 hectares marquait une rupture. Désormais, le gouvernement national conservait la main sur l'administration de vastes zones rurales des États-Unis. Yellowstone a été l'un des premiers pas qui a amené le gouvernement fédéral à devenir le plus gros propriétaire terrien des États-Unis, gérant quelque 260 millions d'hectares (un tiers du territoire national).

Les planificateurs fédéraux n'étaient cependant pas les seuls à avoir des vues sur Yellowstone. Le parc faisait aussi partie d'un monde amérindien qui lui préexistait. L'irruption inattendue des Nez-Percés dans le campement de Frank Carpenter en 1877 témoignait de ce Yellowstone indien, à travers le réseau de pistes indiennes qui quadrillaient le parc. Dans leur fuite vers le Canada, les Nez-Percés suivaient une route familière, maintes fois empruntée jusqu'aux prairies des Grandes Plaines, où paissaient autrefois des bisons en abondance. Cet itinéraire, creusé d'ornières par le passage d'innombrables travois (traîneaux attelés) et poneys amérindiens, se déployait en un maillage très fin qui recouvrait Yellowstone. Certains chemins menaient aux terrains de chasse autour du lac Yellowstone, d'autres à des gisements d'obsidienne - une pierre vitreuse volcanique -, qu'ils taillaient pour fabriquer des couteaux, des pointes de flèche et autres outils. Selon Hiram M. Chittenden, un géomètre expert de l'armée américaine, « les routes indiennes étaient partout ».

Les Nez-Percés, qui passaient l'essentiel de l'année à l'ouest des Rocheuses, n'étaient pas les seuls Indiens à emprunter ces routes. Sur le plateau de Yellowstone, les territoires de plusieurs nations se chevauchaient. Au nord, les Blackfeet, qui s'aventuraient occasionnellement dans la zone pour chasser l'élan ou piéger des castors. A l'est, les Crows, dont les revendications territoriales comprenaient à la fois le nord des Grandes Plaines et les contreforts des Rocheuses, même si elles étaient remises en cause par les incursions des Lakotas. A l'ouest et au sud, des bandes de Shoshones et de Bannocks qui, au fil de l'année, traversaient différents écosystèmes de Yellowstone, de l'aval bien irrigué des cours d'eau aux prairies subalpines, en quête de gibier et de plantes sauvages. Longtemps les relations entre ces bandes avaient varié du commerce pacifique aux raids hostiles. Mais les tensions intertribales semblent s'être accentuées au XIXe siècle : l'instabilité entraînée par les épidémies, le commerce avec les Européens et la lutte exacerbée pour chasser des bisons en nombre toujours plus faible ont poussé certains groupes à élargir leur sphère d'influence aux dépens de leurs voisins3.

Pour qui savait le voir le paysage de Yellowstone était saturé de traces de ces groupes amérindiens ; les premiers gestionnaires du parc ont découvert des habitats abandonnés, « des amoncellements circulaires de broussailles appelés wigwams », « dans pratiquement toutes les vallées et vallons abrités du parc ». Presque toutes les prairies présentaient de « longues barrières de poteaux ou de broussailles » en entonnoir pour diriger les cerfs ou les mouflons vers des enclos où il serait plus faciles de les abattre.

D'autres visiteurs signalent des preuves encore plus directes de la présence des Amérindiens à Yellowstone. Une mission d'étude en 1869 mentionne « une bande d'Indiens, qui se sont d'ailleurs avérés être des Tonkey ou des Tukudeka » à l'intérieur des limites du parc actuel. L'année suivante, un groupe de touristes s'aventure sur une « vieille route indienne », le long de laquelle ils ont trouvé « beaucoup de "signes" » de la présence de ces Indiens et remarqué des Crows surveillant leur avancée d'un oeil méfiant. Et pendant l'expédition d'arpentage de l'Institut d'études géologiques des États-Unis de 1871 les géomètres « ont découvert par accident [...] le campement d'une famille du groupe de Tukudeka [ou Sheep-eater] des Bannack [sic] ». Du fait de leur connaissance détaillée de la géographie locale, les expéditions plus tardives employèrent fréquemment comme guides les Bannocks ou les Shoshones, qui n'hésitaient pas à en tirer parti pour voler des chevaux aux géomètres de Yellowstone.

Tout cela n'empêcha pas les partisans du parc de continuer à décrire la région de Yellowstone dans « une solitude originelle », remplie de lieux où « nul homme n'avait jamais mis les pieds ». Les Amérindiens, affirmaient-ils, ne venaient que rarement, car ils avaient peur des geysers fumants des sources bouillantes. « Les grandes tribus n'entrent jamais dans le bassin, retenues par des superstitions liées aux sources thermales », proclamait Gustavus C. Doane, un officier qui accompagnait une expédition en 1870. « Le sauvage non scientifique ne trouve que peu d'intérêt à ces lieux », renchérissait le compagnon « explorateur » de Doane Walter Trumbull ; « Je présume plutôt qu'il s'en tient à bonne distance, les croyant voués à Satan. » Paradoxalement, ce sont de telles phrases qui avaient convaincu Carpenter et ses compagnons qu'ils n'avaient rien à craindre des Nez-Percés pendant leur visite à Yellowstone. Les officiers de l'armée, déclara après coup la soeur de Carpenter, « nous avaient assuré que nous serions parfaitement en sécurité si nous restions dans le bassin [des geysers], puisque les Indiens ne venaient jamais dans le parc ».

Mais le groupe de Carpenter comprit bien vite que les Nez-Percés montraient peu de crainte superstitieuse envers les formations géothermiques de Yellowstone. Peu de temps après sa capture, Carpenter échangea avec un Nez-Percé curieux des sources de l'énergie des geysers (« un tas de feu loin sous le sol »). D'autres captifs notèrent que les femmes de la tribu se servaient des sources chaudes de la région pour cuisiner et nettoyer leurs ustensiles. Si le volcanisme de Yellowstone a exercé une quelconque influence sur les Amérindiens, c'est plutôt en les attirant dans la région : la chaleur dispensée par ses quelque 10 000 sources chaudes favorisait de vastes prairies et un pâturage hivernal sans neige, deux attributs qui rendaient la zone exceptionnellement riche en élans, cerfs, bisons et autre gibier.

- Les « sauvages pyromanes »

Ainsi, les premiers auteurs à avoir écrit sur Yellowstone ont littéralement effacé les Indiens du paysage. Ces « explorateurs » qui, au cours de leurs voyages, ont rencontré des Amérindiens à l'intérieur du parc les ont tout simplement exclus en les présentant comme des nomades en transit. De ce que ni les Bannocks-Shoshones, ni les Crows, ni les Blackfeet ne pratiquaient l'agriculture beaucoup d'Euro-Américains ont conclu que les autochtones étaient des êtres sans racines ni attaches à la terre qu'ils parcouraient.

Ce que cette idéologie passait sous silence, c'est que les circuits migratoires des Indiens n'étaient pas des vagabondages aléatoires, mais des cycles annuels complexes, intrinsèquement liés aux variations saisonnières affectant le gibier et autres nourritures sauvages. De plus, s'ils n'étaient pas des fermiers, les Crows, Blackfeet et Bannocks-Shoshones ont néanmoins « amélioré » leur environnement, surtout par l'utilisation du feu : pour réguler la pousse des taillis, ce qui facilitait les déplacements ; pour débarrasser les campements des insectes nuisibles. Mais aussi dans leurs pratiques de chasse : chez de nombreux peuples amérindiens il était courant que les plus âgés, plus expérimentés, allument des feux pour rabattre le gibier vers les chasseurs. En brûlant les broussailles et le bois mort, ces feux très contrôlés recyclaient les nutriments en les faisant passer dans le sol, augmentant la diversité de la végétation et de la faune. Pour les Amérindiens, les bénéfices du feu n'étaient donc pas uniquement sur le court terme (faciliter les voyages et attraper du gibier) mais aussi sur le long terme (maintenir une meilleure diversité).

Ne comprenant pas ce rôle du feu, les conservationnistes au XIXe siècle le considéraient comme une force dangereuse et imprévisible. En 1878, John W. Powell, dans son Rapport sur les terres de la région aride des États-Unis, déclarait que le brûlage effectué par les Amérindiens représentait la plus grande menace pour les forêts de tout l'Ouest américain. « La protection des forêts de toute la région aride des États-Unis, écrivait Powell, se résume à un seul problème. Est-ce que ces forêts peuvent être sauvées du feu ? » Pour Powell la réponse était claire : puisque, « pour la plupart, ces feux sont allumés par les Indiens, [ils] peuvent être grandement réduits si on enlève les Indiens ».

Ces suggestions venaient renforcer le large catalogue d'arguments en faveur du confinement des Amérindiens dans les réserves, avec un mode de vie sédentaire et agricole. Un envoyé auprès des Shoshones écrivit en 1865 à ses supérieurs : « Les Indiens sauvages, comme les chevaux sauvages, doivent être regroupés dans des réserves. Là, ils pourront être amenés au travail, et deviendront vite un peuple capable d'assurer sa subsistance, gagnant sa vie grâce à son activité, au lieu d'essayer de simplement survivre en chassant. » Non seulement la sédentarisation des Amérindiens les amènerait à la civilisation, mais elle limiterait les risques de dommages environnementaux.

Rien d'étonnant à ce qu'en 1872 la proclamation de préservation de Yellowstone s'accompagne de la construction de nombreuses réserves. La nature telle que se la représentaient les créateurs de ce parc national requérait l'élimination de toute présence amérindienne de Yellowstone. Que les touristes s'en soient par la suite rendu compte ou non (et, pour la plupart, la réponse est évidemment non), le caractère apparemment sauvage de Yellowstone était le fruit d'une politique déterminée de réorganisation des campagnes, dans laquelle les peuples amérindiens et la nature étaient rangés dans des cases hermétiques et distinctes, bien séparées l'une de l'autre.

 

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